Le Journal de Montréal a publié un article suggérant que les chevaux devraient être déferrés. Bien que l’auteure ait écrit un communiqué sur sa page professionnelle pour rectifier le tir concernant certains éléments, le moment nous semblait opportun pour dresser un portrait du ferrage et démystifier quelques-unes des croyances véhiculées par les adhérents du parage naturel.
Tout d’abord, il est important de savoir que contrairement à la croyance populaire, les maréchaux ne veulent pas ferrer à tout prix. Nous comprenons bien que si ce n’est pas nécessaire, nous n’avons pas besoin d’ajouter quoi que ce soit aux pieds du cheval. Certains diront que vu que le ferrage coûte plus cher, le maréchal-ferrant le préconise par rapport à un parage pieds nus, mais un calcul rapide du temps passé à faire chacune des opérations et des dépenses encourues pour ferrer un cheval balaie cette idée. Que ce soit avec un parage ou un ferrage, le « taux horaire » final est le même. L’objectif est donc de faire ce qui est optimal pour le cheval. Pour décider si nous recommandons un ferrage ou non, trois critères entrent en ligne de compte :
- Est-ce que la corne s’use plus rapidement que le corps du cheval lui permet d’en produire,
- Est-ce que le cheval a un problème qui pourrait être soulagé avec un fer orthopédique plus qu’avec un parage
- Est-ce que le cheval fait une discipline qui pourrait lui nuire physiquement s‘il n’a pas un fer adapté

La kératogenèse, soit la production de corne par les chorions dans le pied du cheval, se fait à un certain rythme. Cette vitesse de pousse varie selon plusieurs facteurs, notamment l’apport sanguin, la température, la nutrition ou encore l’exercice du cheval. Malgré des facteurs optimaux qui la feraient pousser au plus grand rythme possible, un cheval n’est pas fait pour travailler aussi intensément et dans des terrains aussi abrasifs que certains cavaliers le font. La corne s’use donc plus rapidement qu’elle ne pousse, ce qui va inévitablement causer un inconfort. Chez ces chevaux, une protection adaptée sera nécessaire pour prévenir une douleur et lui permettre de continuer son travail. Toutefois, si le maréchal réalise que les fers n’usent pas rapidement, il suggèrera au client d’essayer le cheval sans fers. Si nous parons le cheval et que le client nous demande de le ferrer alors que nous voyons une belle repousse, nous allons leur suggérer de garder le cheval pieds nus.

La réalité de nos chevaux domestiqués fait que certains se blessent parfois et nous voulons les aider au maximum. Dans la nature, ces chevaux blessés ne survivraient probablement pas; mais nous avons des outils pour les aider. Certaines façons de fabriquer et d’ajuster les fers nous permettent de soulager certaines structures anatomiques endommagées. En collaboration avec des vétérinaires lors de ces cas thérapeutiques, nous pouvons être beaucoup plus précis dans la préparation du pied et dans la fabrication des fers et ainsi améliorer de façon notable l’état du cheval. Il est aussi possible d’aider avec un parage mais les résultats sont moins importants que si on les accentue avec un fer thérapeutique. Ces fers, posés temporairement le temps de la guérison, vont augmenter drastiquement les chances de rémission du cheval. Bien entendu, une fois la pathologie complètement guérie, ces fers devront être retirés et le cheval sera réévalué selon les trois paramètres présentés ici pour savoir comment ses pieds seront traités.

La troisième raison concerne la traction qu’on peut modifier avec les fers. Puisqu’il n’y avait pas de chevaux dans les hivers québécois à la base, leurs pieds ne sont pas adaptés pour avoir assez de traction pour la glace. Dans de la grosse neige, le principe est le même que le sable donc tout va bien. Sur la glace, les chevaux en liberté peuvent se déplacer avec précaution. Mais lorsqu’on embarque dessus pour partir en randonnée, ils abandonnent leur pouvoir décisionnel et sont donc beaucoup plus à risque de glisser et de se blesser. Pour ces chevaux, ajouter de la traction sous la forme de petits crampons (les plus petits possibles selon les besoins du cheval) peut leur permettre de ne pas se blesser. La discipline pratiquée par le cheval peut aussi demander certains types de fers spéciaux qui vont ajouter ou soustraire de la traction. Le meilleur exemple consiste aux glissades des chevaux de reining qui requiert des fers larges et lisses. La conception d’un sabot de cheval est faite pour lui procurer de la traction avec la forme de la fourchette, de ses lacunes et de la concavité de la sole. Sans les fers qui imitent un peu le principe des skis pour permettre au cheval de bien glisser, le cheval s’expose à un plus grand risque de blessures.
Encore une fois, si le cheval n’use pas ses pieds plus vite qu’ils ne poussent, qu’il n’a aucun problème qui nécessite de fers spéciaux, une fois que la glace n’est plus un danger, et s’il ne requiert pas d’ajustement de traction, il est possible de le déferrer sans problème. S’il a des bons pieds, aucune période d’adaptation n’est nécessaire, il va être confortable immédiatement.
On comprend donc que c’est seulement un léger pourcentage de chevaux qui vont avoir besoin de fers. Toutefois, il ne faut pas préconiser de tous les déferrer aveuglément par principe que dans la nature, ils n’en auraient pas. Il faut être rigoureux avec les trois critères et respecter notre cheval.

L’idée que les fers sont nuisibles aux chevaux vient principalement des clous utilisés pour les fixer au sabot. Dans les faits, on ne peut nier que ces clous vont faire un petit trou dans la paroi extérieure du pied. Toutefois, quand on considère les problèmes que des pieds trop courts peuvent apporter au cheval, ainsi que les risques de blessures si la traction ne correspond pas à ce que l’on demande au cheval, ces petits trous sont minimes. Avec un parage correctement effectué et un fer bien ajusté, il est faux de croire que les clous empêchent le pied de fonctionner normalement. Cette affirmation est facile à vérifier avec un fer qui a déjà été porté, on peut voir que le mouvement naturel d’expansion du pied est tellement présent qu’il vient même user la face du fer avec laquelle il est en contact.
La fourchette est aussi laissée plus volumineuse lorsque le pied est ferré que s’il était pieds nus pour compenser la hauteur du fer, donc elle fonctionne toujours autant. Bien sûr, un fer mal posé, tout comme un parage mal exécuté ou une fréquence d’entretien insuffisante vont causer des problèmes au cheval. Par contre, déferrer n’est pas une solution pour contrer ces problèmes. Selon nous, l’essentiel est surtout de sensibiliser les propriétaires de chevaux à l’importance d’un bon entretien des sabots de leurs chevaux. Que ce soit pieds nus ou ferrés, les pieds d’un cheval devraient être entretenus aux 4 à 6 semaines maximum. Et il est aussi important de faire affaire avec un vrai professionnel dans le domaine de la maréchalerie. Nous vous invitons à contacter l’Association des Maréchaux-Ferrant du Québec pour avoir une liste des maréchaux membres ainsi que ceux certifiés par l’American Farriers’ Association. Dans les prochains jours, nous publierons une description des examens de certification offerts aux maréchaux par cette association.
Francis Dufresne CJF Cyr – Auteur